Christine, de façon étonnante, spontanée et naturelle ne peut pas s'empêcher d'exprimer ses idées en vers.


Dans le ciel noir, la pleine lune était blanche*
Froide comme un soir désespéré de dimanche
La peine de la jeune femme était si étouffante
Que la fenêtre ouverte lui hurlait : « ça te tente? »

Comment en était-elle arrivée à cela?
Comment avait-elle pu supporter jusque là?
Et que pouvait-elle faire à présent pour le fuir
Cet homme pour lequel elle eut tant de désir ?

Au début tout était si beau et si parfait
Sa voix et sa douceur, ses yeux et son reflet
Toutes ses attentions et sa compréhension
Son charme l’envoûtait, ils vivaient la passion !

Jamais, de toute sa vie, elle n’avait connu
Un bonheur aussi grand avec un inconnu
Comme s’il devinait ses plus secrets besoins
Elle se sentait comblée en ne demandant rien !

Puis avec le printemps les choses avaient changé
Leurs échanges devenant beaucoup plus ombragés
Il lui criait dessus et pour n’importe quoi…
Elle ne comprenait plus, il la frappait parfois !

Même lorsqu’elle essayait de ne pas l’agacer
Tentant de s’accrocher aux souvenirs passés
Il lui semblait souvent ne plus le reconnaitre
Elle s’était trompée sur cet homme peut-être?

L’été fut difficile car elle devait cacher
Sa détresse et ses bleus, son corps si abimé !
Il avait fait le vide parmi tous ses amis
Elle aurait bien parlé avec n’importe qui…

Mais l’automne arriva et les coups redoublants
Elle espéra sortir de ce gouffre géant
En appelant un jour ce numéro gratuit
Pour les femmes comme elle battues par leur mari !

Au téléphone, enfin, elle put articuler
Son nom et son adresse et demander « pitié »
Elle fut ainsi aidée, secourue et sauvée !
Á ces mots : « je crois que nous venons de le trouver !* »


* Liens d'amour, Nora ROBERTS

----------

Là, c'est moi, Mamie, l'autre Christine du groupe! Sur mon incipit et mon excipit, mon inspiration s'est révélée beaucoup moins poétique, quoique, un peu artistique!

Je l'ai intitulé "Nature morte".


Il y avait des petites miettes qui couraient de la cuisine à la chambre jusque sur les draps propres où reposait le cadavre.*

Il se rendit compte que son abdomen gargouillait. L'excitation de son acte lui procurait systématiquement une envie de sucre.

- Il faudra que je contrôle ma glycémie, se dit-il, en suivant la piste des miettes jusqu'à la cuisine.

Tout s'était passé très vite et silencieusement. La petite avait à peine ouvert les yeux et n'avait probablement pas senti l'injection létale.

A présent, il devait se dépêcher de réaliser son oeuvre, avant que ne commence la rigidité cadavérique.

Un croissant posé sur la table fut englouti en quelques secondes.

Il sortit son téléphone où il avait préalablement enregistré des représentations de tableaux célèbres. "La blanche et la noire" de Félix Valloton serait aujourd'hui son but artistique.

Bien sûr, il manquait la femme noire mais il considéra qu'il pourrait exprimer tout son art sans elle.

Il avait repéré cette jeune femme quelques jours auparavant : des cheveux châtain foncé, pulpeuse sans être grosse. Il s'était amusé à la suivre, l'avait épiée et avait réussi à s'introduire discrètement dans son petit pavillon légèrement en retrait de la rue passante. Et là, un signe ! Les murs de sa chambre étaient peints d'un bleu pétrole qui ne manqua pas de lui suggérer sa prochaine oeuvre d'art.

Il fouilla et trouva un blush rose foncé et une paire de ciseaux. Il s'affaira autour de la malheureuse, arrangeant sa coiffure et rosissant ses pommettes.

Réaliser le drapé de la parure blanche du lit, après avoir consciencieusement enlevé les miettes, lui demanda d'infinies précisions.

Il se revoyait au Louvre, fier d'avoir obtenu le titre de "copiste", installé devant d'illustres toiles, envié par les visiteurs qui ne manquaient pas de s'arrêter pour admirer "son" oeuvre. Mais ça, c'était avant !

Il dévêtit la jeune femme, admira ses formes généreuses, avec un certain regret (non pas de l'avoir tuée, mais de n'en avoir pas profité), la disposa délicatement et réussit à obtenir la posture parfaite. C'est ce qu'il pensait, sans aucune modestie.

Il aurait bien savouré une coupette de champagne, en prévision du vernissage qui ne manquerait pas d'avoir lieu dans les heures à venir, mais il devait se montrer raisonnable et filer au plus vite.

Il vérifia n'avoir laissé aucune trace et repartit avec autant de discrétion qu'il était arrivé.

Il lui restait cependant une tâche à accomplir. Le musée Fabre à Montpellier organisait une exposition temporaire sur l'artiste Valloton.

La photo de son oeuvre, enregistrée sur son portable, qu'il n'avait pas oublié de mettre en mode avion était prête à rejoindre son modèle original.

Détendu et souriant, il héla un taxi. Une heure plus tard, il décollait à nouveau.*


*L'armée furieuse, Fred VARGAS